Politique
La négation du génocide arménien pénalisé
Assemblée . Les députés ont adopté une proposition de loi socialiste qui a divisé les parlementaires de chaque camp.
Les députés ont adopté, jeudi, en première lecture, une proposition de loi déposée par le PS visant à pénaliser la négation du génocide arménien. Dans l’esprit du législateur, il s’agit de compléter la loi de 2001 par laquelle l’État français reconnaissait officiellement l’existence de ce génocide perpétré en 1915. Le débat a divisé les parlementaires au-delà du clivage gauche— droite, avec, en toile de fond, la question de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne alors qu’An- kara se refuse toujours à reconnaître ce génocide, et le poids électoral de la communauté arménienne en France estimée à quelque 500 000 personnes.
Désormais, en France, la négation du génocide sera passible d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende. La Turquie, notamment par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Abdullah Gül, avait exhorté la France à ne pas adopter ce texte en menaçant de mesures de rétorsions économiques. Le député UMP Patrick Devedjan, d’origine arménienne, a soutenu le texte, rappelant que « la Turquie n’a pas de leçon à nous donner, c’est le gouvernement Erdogan et pas un autre qui a fait adopter un article qui punit dans son pays par la prison la seule affirmation du génocide arménien ». Selon lui, le texte socialiste est « un texte de paix civile qui donnera à la France les moyens d’interdire les manifestations négationnistes sur son sol ». Un amendement du député UMP excluant les travaux scientifiques et universitaires n’a toutefois pas été adopté. Au final, 106 voix pour, et 19 contre sur les 129 députés présents dans l’Hémicycle. La proposition de loi a été plus précisément adoptée par 49 UMP, 40 PS, 7 UDF, et 4 non-inscrits (dont 3 Verts et un ex-UDF). Frédérick Dutoit (PCF) a évoqué « un devoir de progrès pour l’ensemble de l’humanité ». Catherine Colonna ministre des Affaires européennes n’était pas favorable au texte, estimant « un risque d’effets contraires à ceux recherchés » au moment où, selon elle, la Turquie commence un « travail de mémoire sur son passé ». Henri Emmanuelli (PS) s’est dit « consterné » de voir l’Assemblée « légiférer une nouvelle fois sur l’histoire », « la responsabilité du législateur est d’écrire l’histoire, pas de la réécrire ou de l’interpréter ». Il voit dans « le commémorationnisme qui sévit de manière croissante un signe d’une crispation identitaire et d’un désarroi certain ». Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste, a voté pour « mais avec des hésitations ». Deux députés PS (Jean-Michel Boucheron et Jean-Marie Le Guen) ont voté contre, tout comme 17 députés UMP (quatre ayant choisi l’abstention). À noter que 488 députés avaient décidé d’être ailleurs. Le texte doit maintenant être inscrit à l’ordre du jour du Sénat.
D. B.
Darfour : pendant les combats les tractations continuent
Soudan . Le gouvernement tente de reprendre militairement le contrôle de la province rebelle, mais refuse toujours l’envoi d’une force d’interposition.
La violence et la confusion atteignent un niveau sans précédent dans la province du Darfour. Des combats meurtriers entre l’armée soudanaise, le Mouvement pour la justice et l’égalité (JEM), un des groupes rebelles qui continuent de combattre Khartoum, ont eu lieu en début de semaine, faisant plus de 100 blessés. Cet épisode pourrait donner le signal d’une nouvelle intensification de l’offensive lancée en août par le gouvernement contre les mouvements armés qui n’ont pas signé en mai dernier l’accord de paix du Darfour.
« Des violents affrontements ont eu lieu entre signataires et non-signataires » note dans son dernier rapport, le secrétaire général de l’ONU qui constate que « la situation générale s’est considérablement dégradée ». Dans son projet de reconquête militaire, Khartoum continue de s’appuyer sur les milices djindjawids, comme l’a encore indiqué le rapport publié lundi par le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) selon lequel, « quelque 300 à 1 000 membres de milices armées appartenant à la tribu Habbania ont mené au mois d’août une série d’attaques sur 45 villages dans la région de Buram située dans le Darfour sud ».
Le gouvernement soudanais bénéficie aussi désormais de l’aide de la faction Minawi du Mouvement de libération du Soudan (SLM-M), le plus puissant des groupes rebelles et le seul à avoir signé la paix. Ajoutant à la confusion, les hommes du SLM-M s’en prennent désormais à des groupes qui comme eux étaient jusque-là définis comme « Africains ». Mais la fracture entre signataires et non-signataires des accords de paix n’est pas non plus toujours claire. Ainsi « certains membres du clan gouvernemental hostiles aux accords de paix » seraient, selon le site Sudan Tribune, impliqués dans l’attaque début octobre de Gereida, ville pourtant contrôlée par leurs alliés du SLM/M.
Khartoum continue par ailleurs de s’opposer avec véhémence au remplacement de la Mission de l’Union africaine au Soudan (MUAS) par une force onusienne, prévu par une résolution votée fin août par le conseil de sécurité. Le président soudanais a également refusé ce week-end le renforcement de la MUAS par des troupes de pays musulmans, proposé par la Ligue arabe. « Des progrès ont été faits », avait néanmoins estimé Solana, diplomate en chef de l’Union européenne, au début du mois après une rencontre avec le président Béchir.
Le Soudan s’est dit prêt à étudier la proposition de la Ligue arabe et a accepté la semaine dernière l’envoi de 200 hommes de l’ONU en appui à la MUAS. L’Union africaine a également annoncé lundi que Khartoum acceptait de dédommager les déplacés du conflit, ouvrant ainsi la voie à une réouverture des négociations avec les groupes rebelles non signataires, dont c’était une des principales revendications. Un pas important dans la mesure où, comme l’écrivait récemment le spécialiste Alex de Waal, « il n’y a aucune chance de protéger les civils au Darfour, que si le gouvernement et les rebelles reprennent les négociations de paix ». Néanmoins, sous la menace d’une intervention onusienne, Khartoum semble plus enclin à nettoyer militairement le terrain qu’à reprendre un débat politique sur les problèmes de fonds.
Camille Bauer
Monde
L’onde de choc de la bombe nord-coréenne se propage
Test nucléaire . Tandis que le conseil de sécurité avance des sanctions, Pékin prend ses distances à l’égard de Pyongyang tout en continuant à faire valoir son rôle d’intermédiaire.
Le monde tentait mardi d’établir une réponse commune à l’explosion annoncée de la première bombe atomique nord-coréenne et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et le Japon devaient examiner dans la nuit d’éventuelles sanctions. Lundi, à l’issue de premières consultations d’urgence, le Conseil de sécurité a fermement condamné l’essai, effectué en dépit d’une mise en garde de l’ONU il y a quelques jours. En réponse, Pyongyang s’est dit hier prêt à deux éventualités.
Sanctions et embargo
La première de mener de nouveaux essais nucléaires « en fonction de l’évolution de la situation », la seconde de retourner à la table des négociations en échange de concessions américaines, rapporte mardi l’agence de presse Yonhap qui cite un responsable nord-coréen. « Nous sommes toujours prêts à abandonner les programmes nucléaires et à reprendre les pourparlers à six », déclare cette source nord-coréenne autorisée citée dans une dépêche datée de Pékin. « Nous pouvons le faire à n’importe quel moment, mais seulement si les États-Unis prennent des mesures correspondantes », ajoute-t-elle.
La Corée du Nord demande depuis le début de la crise en 2002, la poursuite du dialogue bilatéral avec Washington tel qu’il avait été enclenché par l’administration Clinton qui avait conduit aux accords de Genève de 2004. En vertu de ces accords, la Corée du Nord s’était engagée à geler son programme de plutonium en échange de la fourniture de deux centrales nucléaires à eau légère, de livraison de pétrole et de la levée des sanctions américaines qui touche le Nord depuis la fin de la guerre en 1953.
Si la Maison-Blanche invoque des sanctions Tokyo a, quant à lui, de nouveau appelé hier, par la voix du porte-parole du gouvernement, Yasuhisa Shiozaki, à une résolution « dans le cadre du chapitre VII » (de la Charte de l’ONU), qui prévoit notamment l’usage de la force.
Mais les regards se tournent plus particulièrement vers Pékin. Que va faire la Chine considérée jusque-là comme le plus solide soutien à Pyongyang même si elle ne partage plus son idéologie ni sa politique de retranchement provocateur. Le chef de la diplomatie chinoise Li Zhaoxing a appelé à garder la tête froide. Pour le moment le projet de résolution à l’ONU « condamne le test nucléaire », « exige le retour immédiat et sans conditions préalables de la Corée du Nord aux pourparlers à six » (boycottés depuis novembre 2005 par le Nord) et son « retour au sein du traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et aux garanties de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ». Le projet de résolution exige également « l’abandon par Pyongyang de son programme d’armement nucléaire ». Il y est aussi question de sanctions, avec notamment un embargo sur « les armes et matériels connexes ».
Inde Pakistan, la rivalité s’aiguise
La Chine, qui a toujours rejeté toutes mesures de rétorsion à l’égard de la Corée du Nord, est, pour l’heure, en train de réajuster sa politique. Si elle a d’ores et déjà refusé une action militaire qualifiée d’ « inimaginable », elle refuse d’exclure des sanctions de l’ONU. Ses relations avec le régime de Kim Jong-il vont en être sensiblement touchées, reconnaissait-on hier dans les milieux officiels chinois, tout en ménageant quand même une porte de sortie permettant toujours à Pékin de jouer les intermédiaires. « Mais la politique visant à développer des relations amicales et de bon voisinage ne change pas », a ainsi déclaré un porte-parole du ministère des Affaires étrangères qui ajoutait : « Tous les efforts doivent favoriser la stabilité dans la péninsule (...) et la reprise des pourparlers à six. »
Une autre partie de l’Asie risque aussi de sérieusement pâtir de l’explosion nord-coréenne, celle du sous-continent indien où les rivalités entre deux puissances nucléaires, l’Inde et le Pakistan se sont aiguisées ces dernières vingt-quatre heures via la presse. Les journaux indiens accusent ainsi Islamabad d’avoir aidé la Corée du Nord à développer des armes nucléaires. L’ancien chef du programme atomique pakistanais Abdul Qadeer Khan avait reconnu, il est vrai, en 2004 avoir fourni de la technologie nucléaire à la Corée du Nord, à l’Iran et à la Libye. Le Pakistan a toujours nié toute responsabilité officielle. Quant à l’Inde qui a, elle-même, contribué à torpiller le traité de non-prolifération, en se dotant de la bombe, elle paraît bien mal placée pour donner des leçons, à son voisin, sur ce thème.
Dominique Bari
Monday, October 16, 2006
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